Appel aux chercheurs du CRESAT : bilan

Après mon appel aux archivistes, j'ai lancé un autre appel aux chercheurs du laboratoire de recherche auquel je suis rattachée, le CRESAT. Jusqu'à présent, j'ai eu deux réactions vraiment positives, celle de Marie-Claire Vitoux, historienne spécialisée dans l'histoire sociale du XIX^e siècle (publications 2002-2006) et Alain Lemaître, qui poursuit ses recherches en histoire moderne, notamment sur l'histoire des comportements, les parlements et la police (publications 2002-2006).

Après une allusion à la rationalisation qui rejoint la mienne,  Marie-Claire a fait un long commentaire très intéressant  et porteur de réflexion sur  les formulaires remplis par les médecins  à propos des épidémies et de la vaccination, probablement des formulaires d'enquête qu'elle a trouvés dans la sous-série 5 M des Archives départementales. Ce que je retiens particulièrement, ce sont ses réflexions sur la façon dont les médecins complètent les formulaires, leurs motivations pour les compléter ou ne pas les compléter, la surabondance de la colonne "observations" qui révèle la "faillite du formulaire" pour refléter et analyser une réalité sociale, humaine, donc complexe ("La réalité humaine ne rentre pas dans les cases").
Effectivement, le formulaire, même bien conçu - ce qui est loin d'être toujours le cas - tente de rationnaliser, donc d'enfermer dans un cadre strict et forcément réducteur, particulièrement frustrant pour celui qui le complète. Cela pose de façon aiguë le problème des questions plus ou moins ouvertes et de l'exploitabilité des réponses. Plus le formulaire est ouvert, plus les réponses seront riches, mais aussi difficiles à exploiter. Le problème se pose tout particulièrement pour les formulaires correspondant à une démarche d'évaluation.  Tant que le formulaire est un simple outil déclaratif destiné à recueillir dans le cadre d'une procédure administrative les données objectives - données d'état civil, financières, scolaires, etc.- nécessaires à l'instruction d'un dossier, il remplit parfaitement son office. Dès lors qu'on lui demande davantage et qu'on entre dans la subjectivité, ses limites apparaissent aussitôt. On peut alors se demander si ce que j'appellerai le "gouvernement par formulaire" que nous voyons se développer actuellement - sondages, enquêtes d'opinion, démarches qualité - ne participe pas au développement de la fameuse "pensée unique", en interdisant l'expression de toute originalité, de tout individualisme.

La réponse d'Alain, que j'ai reçue par courriel, est davantage orientée vers les sources, mais présente un grand intérêt pour le point de vue comparatifste. Je reproduis ici, avec son autorisation, les quelques indications qu'il m'a fournies :
"C'est dans la série C (Intendance)que j'ai trouvé un maximum de formulaires sous l'Ancien régime, ainsi que dans la série G (visites pastorales) : vous avez là deux pouvoirs, laïques et ecclésiastiques, confrontés aux techniques de l'inspection et de l'enquête.
La France est en retard sur l'Empire en la matière... où tout est plus précis, plus méticuleux ! Et accessoirement, en retard également sur la Castille et les Visitas de l'Amérique andine lors de la vice-royauté de Francisco de Toledo."
L'Empire... Il faut comprendre bien sûr, le Saint-Empire romain germanique. De ce point de vue, je devrais trouver des éléments dans les archives alsaciennes, peut-être dans les fonds de la Régence d'Ensisheim et de la Préfecture impériale d'Haguenau. Il va falloir que je révise le peu d'allemand que je possède !
Le côté espagnol me tente davantage : bien que n'ayant jamais appris cette langue, je m'en sortirai peut-être mieux. Et puis une excursion à l'Archivio general de Indias à Séville, notamment, me sourierait assez !!!

D'autres chercheurs du CRESAT, bien que n'ayant pas d'informations à m'apporter, m'ont néanmoins témoigné leur sympathie et je les en remercie.